top of page

Une émotion au cœur de toutes les spiritualités

 

Humilité, générosité, gentillesse : ce sont quelques-unes des vertus qui engendrent et suivent la gratitude. Ce qui explique que cette émotion soit au cœur de toutes les sagesses et spiritualités. D’ailleurs, si Robert Emmons et Michael McCullough se sont intéressés à la gratitude, c’est d’abord pour s’être interrogés sur ce qui rendait généralement les personnes habitées par une foi profonde plus heureuses que les autres. Et pour avoir constaté qu’elles étaient davantage dans la gratitude que les non-croyants. C’est que celle-ci « est consentement à ce qui advient », analyse la philosophe Bérangère Casini (9), et que, en tant que tel, « elle s’apparente à la grâce ». C’est ce qui emplit le cœur de saint François d’Assise quand il loue le « Seigneur, pour sœur Lune et pour les étoiles […], pour frère Vent, et pour l’air et pour les nuages (10) […] »; c’est le savoir-vivre ici et maintenant auquel invite Bouddha. C’est aussi l’état de pleine conscience promu par la méditation. C’est, en un mot, l’acceptation de tout ce qui est, malheurs et plaisirs mêlés, un mouvement d’accueil sans discrimination qui réconcilie avec l’existence. Au présent, mais d’abord évidemment au passé : en remerciant, « on se réjouit de ce qui a eu lieu, rappelle André Comte-Sponville. Le sage se réjouit de vivre, mais aussi d’avoir vécu. La gratitude est cette joie de la mémoire, cet amour du passé ». C’est le « temps retrouvé », et la fin du regret ou de la nostalgie qui rongent l’esprit. Elle nous guérit de tous les maux liés à notre condition finie, à notre puissance limitée, au temps qui passe, à la colère, au ressentiment, à la solitude aussi. Si la gratitude n’est pas le bonheur lui-même, elle en a en tout cas le goût.

9. Bérangère Casini, auteure de Vivre avec philosophie (Eyrolles, 2008).
10. Cantique de frère Soleil, in Les Écrits de saint François et sainte Claire (Éditions Franciscaines, 2002).

Idées clés

 

Elle nous réconcilie avec la vie en nous incitant à apprécier ce que nous avons plutôt qu’à déplorer ce qui nous manque.
Elle nous « guérit » : c’est prouvé, ceux qui la pratiquent régulièrement prennent davantage soin d’eux, dorment mieux et tombent moins souvent malades.
Elle soigne notre relation aux autres en éloignant l’attention du moi pour la diriger vers ceux qui nous entourent.

 

Comment remercie-t-on ailleurs ?

 

Au Japon, la personne à qui vous offrez un cadeau (geste souvent minimisé par la formule « Ce n’est qu’un symbole de ma gratitude ») peut vous répondre « Excusez-moi », afin de souligner votre « effort ». C’est fréquent entre gens qui se connaissent peu. Et cette même personne pourra vous remercier plusieurs fois de votre geste, quand elle vous reverra.

Aux États-Unis, dire merci est très commun, très naturel et très fréquent. Aussi pourrez-vous vous étonner de n’avoir, pour toute réponse à votre remerciement, qu’un simple « Hin hin » à la place du « Vous êtes le bienvenu » d’usage. Ce que vous percevrez comme une ingratitude ne sera en fait que le fruit de l’habitude.

En Chine, un remerciement après avoir reçu un compliment peut être perçu comme un signe d’autosuffisance, signifiant que vous l’acceptez alors qu’il faudrait le nier. De même, dire merci après s’être vu offrir quelque chose instaure une distance. C’est pour cette raison qu’un proche, parent ou ami, pourrait s’en vexer. Un signe de tête suffit amplement.

 

 

 

bottom of page